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Mémoires d’une âme
 
 

A quarante-trois ans, quelques semaines après sa rupture avec Paul Valéry, pour guérir de ses déceptions amoureuses et pour donner aux riches mouvements de son âme une expression qui leur convînt, Catherine Pozzi choisissait de ne plus se consacrer qu’à la poésie. A l’opposé de la prose, qui va droit devant et ne se retourne pas, la poésie abolit le temps et prépare le retour de l’instant créateur. Comme si l’effort d’élaboration intérieur de Catherine Pozzi et sa «quête d’immortalité» n'avaient pu s’accomplir que par l’oratio versa, la parole qui devance l’éternité en revenant sans cesse sur elle-même.


Que s’arrête le temps, que s’affaisse la trame,
Je reviens sur mes pas vers l’abîme enfantin.


Son seul objet était désormais d’accorder le présent et le passé.
Quel fut ce passé ? Quelles images accompagnèrent la démarche poétique de Catherine Pozzi ? Porté à notre connaissance grâce à Claire Paulhan, le journal intime qu’elle tint de dix à vingt-quatre ans, apporte des éclaircissements essentiels. Au-delà des indications sur la vie quotidienne de la jeune fille et sur les jugements qu’elle formula sur son temps, ses notes des années 1893-1906 confirment un certain nombre de choses que l’on ne pouvait jusqu’ici que soupçonner.


Enfant pieuse, adolescente tentée par le néant, Catherine Pozzi ne prête attention qu’à la vie de son âme. A treize ans, elle parle de son journal comme de «l’histoire de [son] âme». «Ah, mon âme d’enfant, ma petite âme dévote et pure, qui me la rendra ?» se demande-t-elle deux ans plus tard. Elle lit Nietzsche, avoue subir son influence, mais ne change pas d’orientation. Le mariage l’effraie. Elle songe avec stupeur à la possibilité de n’être pas aimée corps et âme — ce qu’elle reprochera plus tard à Paul Valéry. Chaque jour, elle fait le récit des «aspirations d’une âme vers l’idéal», confiant à son journal ses rêves d’adolescente. Elle se veut femme, mais d’abord «âme de femme». Son corps lui déplaît qu’elle trouve laid. Seules comptent pour elle ses pensées secrètes, ses passions intimes, ses douleurs et son quotidien, ce qu’elle appelle «les sueurs morales de mon âme». Aucun doute n’est permis à ceux qui connaissent la poésie de Catherine Pozzi. Ce journal de jeunesse n’est pas une œuvre autonome. L’orientation des travaux à venir y est inscrite en gros traits. Les questions qui domineront sa recherche créatrice y sont posées. Qu’est-ce que l’âme ? Qu’est-ce que l’éternité ? «Faut-il tuer la chair ou la rendre esprit ? »


A cette époque, Catherine Pozzi ne répond pas. Il faudra que l’aient déchirée un mariage malheureux, un divorce, la mort tragique de son père et des passions contrariées, pour qu’elle revienne aux interrogations pures et premières de son enfance. Au-delà du désir, au-delà de la douleur et du deuil, elle trouvera alors dans la parole poétique le moyen de s’arracher à la matière et au temps.

Biblio

Catherine Pozzi, Journal de jeunesse (1893-1906), Verdier


 

 

 

     
 
 
   
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